Alors que les Sénateurs avaient purement et simplement annulé le projet gouvernemental de privatisation d’Aéroports de Paris lors de l’examen du projet de loi Pacte en février dernier, le gouvernement et sa majorité, malgré un rejet massif de l’opposition, souhaitent passer en force. Tous les conseillers départementaux présents ont unanimement adopté un vœu lors de la dernière séance du conseil départemental pour rejeter cette privatisation.
En effet, cette privatisation revêt des enjeux importants en termes de sécurité, d’aménagement du territoire, de contrôle des flux humains, d’environnement, auxquels la majorité « En Marche » ne répond absolument pas.
Avec plus de 100 millions de passagers par an les aéroports du Bourget, de Roissy et d’Orly forment une frontière stratégique pour notre pays. C’est même la première frontière de France. Et en privatisant ADP, le gouvernement fait le choix de la gestion privée au détriment de notre souveraineté. C’est probablement cet argument qui explique que 86 % des aéroports dans le monde soient publics.
A droite, nous ne sommes pas opposés de manière dogmatique aux privatisations. Nous croyons en l’initiative privée quand elle représente le mode de gestion le plus efficace. Mais nous devons tirer les leçons des échecs du passé : la privatisation des autoroutes est l’objet de nombreuses critiques et le rapporteur public de la Cour administrative de Paris recommande l’annulation de la récente privatisation partielle de l’aéroport de Toulouse.
Ensuite, les modalités de la privatisation d’ADP remettent en cause la viabilité économique de l’opération puisque pour faire simple, l’Etat paye pour privatiser et devra ensuite payer si elle veut récupérer ce qui lui a appartenu.
En effet, dès à présent, l’Etat doit indemniser les actionnaires actuels de la société, probablement à hauteur d’un milliard d’euros. Cette privatisation faisant perdre de la valeur à la société ADP puisqu’elle limite à 70 ans le droit d’exploitation, qui était perpétuel jusqu’à présent.
A l’échéance de cette concession, dans 70 ans, l’Etat pourra certes récupérer ses biens mais seulement à condition d’indemniser les propriétaires !
Peu de chance donc qu’ADP revienne dans le giron de l’Etat quand on sait que l’acquéreur des parts de l’Etat prendra aussi le contrôle d’un des plus beaux patrimoines fonciers d’Ile-de-France, dont 1 242 hectares qui sont réservés à des opérations immobilières. De quoi rentabiliser très vite l’investissement au mépris d’un aménagement raisonné du territoire.
D’après la majorité, ce n’est pas le rôle de l’Etat de gérer les boutiques de luxe des aéroports, il doit financer les emplois de demain. Cet argument est d’abord complètement exagéré car sur les 4.48 milliards d’euros de chiffres d’affaires d’ADP, déjà près de 2 milliards proviennent des activités aéronautiques seulement en France, sans compter le développement international lui aussi essentiellement tourné vers le secteur aéronautique.
Il n’est pas question de remettre en cause la volonté du Gouvernement d’investir dans l’innovation, mais pourquoi ne pas simplement affecter directement les dividendes qu’ADP verse à l’Etat au financement de l’innovation ? Pourquoi vendre une entreprise rentable comme ADP qui, chaque année, attribue entre 100 et 200 millions de dividendes à l’État ?
Dernière inquiétude et pas des moindres dans cette affaire, le risque pour les 5 millions de Franciliens concernés par les nuisances aéroportuaires de voir celles-ci augmenter de manière considérable, sans que l’Etat ne puisse plus jouer son rôle protecteur. Certes, un amendement inscrivant dans la loi le couvre-feu et le plafonnement de l’aéroport d’Orly a été adopté in extrémis grâce à la mobilisation des associations et des élus. Il garantit ce qui existe déjà. Mais compte tenu des perspectives de développement du trafic aérien et donc des nuisances qui vont avec, comment croire que l’opérateur privé fera passer la protection des riverains avant la rentabilité économique de l’aéroport ?
Pour toutes ces raisons, nous réaffirmons notre opposition à ce projet. Il n’est pas trop tard, pas trop tard pour qu’enfin la majorité présidentielle revienne à la raison et renonce à ce projet.
Olivier CAPITANIO, Jean-Daniel AMSLER, Karine BASTIER, Paul BAZIN, Fernand BERSON, Laurence COULON, Chantal DURAND, Hervé GICQUEL, Emmanuel GILLES de la LONDE, Pierre-Jean GRAVELLE, Patricia KORCHEF-LAMBERT, Françoise LECOUFLE, Jean-François LE HELLOCO, Déborah MÜNZER, Marie-France PARRAIN, Marie-Christine SÉGUI, Nicolas TRYZNA, Julien WEIL, Métin YAVUZ